YANNICK PIROT    -    PHOTOGRAPHE
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    La France doit être fière de ses communes
Par
le Recteur Gérard-François Dumont*
Professeur à la Sorbonne
Président de la revue Population & Avenir

L'une des forces et peut-être la plus grande de la démocratie française tient à ses 500 000 conseillers municipaux qui s'occupent quotidiennement et bénévolement des citoyens qui les ont élus. Ces 500 000 conseillers municipaux témoignent du meilleur de l’esprit civique et permettent le fonctionnement d’une démocratie de proximité.

Afin de réfléchir à la place pertinente des communes dans la nouvelle architecture territoriale de la France, il convient au préalable de balayer quelques idées reçues  :

«  Le nombre de communes en France est anormalement élevé.  »
Certains répètent à l’envie que la France a trop de communes, plus que les autres pays de l’Union européenne. Or, le nombre de communes en France est simplement le résultat de la géographie et de l’histoire.
De la géographie parce que la France est le pays le plus vaste de l’Union européenne ; il n’est donc pas illogique que son nombre de communes soit plus élevé que celui de pays beaucoup moins importants en superficie.
C’est aussi le résultat de l’histoire dans la mesure où la France a été, pendant des siècles, et de très loin, le pays le plus peuplé d’Europe. Sous l’Ancien Régime, le nombre des communautés territoriales se créant (les paroisses d’alors) était directement fonction du peuplement. Le nombre de communes de l’Hexagone, héritières des paroisses de l’Ancien Régime, résulte donc de la taille du territoire français et de l’importance du peuplement ancien de l’espace français.

«  Les communes françaises ont une faible superficie.  »
La superficie moyenne des communes en France métropolitaine est de 14,9 km2. Mais la taille des communes et la variété géographique de leur périmètre sont, là aussi, le résultat de l’histoire et de la géographie.
La taille des communes françaises est dépendante des différences de densité de population existant dans le passé, parfois encore prégnantes aujourd’hui. Ainsi le Nord-Pas-de-Calais, dont la densité de population est trois fois supérieure à la moyenne nationale, et qui est longtemps restée la région la plus dense de l’Hexagone, compte-t-elle une superficie communale de 8,79 km2. En revanche, des départements dont le poids démographique relatif a toujours été moins important dans l’histoire disposent d’une densité communale moindre, comme les Landes, avec une aire communale moyenne de 27,9 km2, trois fois supérieure à celle du Nord.

«  Le nombre de communes représente un coût élevé pour la gestion du territoire.  »
Le coût de l’existence des 36 565 communes est faible pour deux raisons.
D’une part, les dotations financières versées par l’État aux communes faiblement peuplées sont, par habitant, réduites par rapport aux mêmes dotations versées aux communes plus peuplées. Le barème est maximal pour les communes comptant 200 000 habitants ou plus et minimal pour les communes comptant moins de 500 habitants. Ces dernières perçoivent par habitant deux fois moins que les premières.
D’autre part, les quelque 500 000 conseillers municipaux sont très majoritairement bénévoles. C’est donc seulement par dévouement au bien commun qu’ils s’investissent pour gérer le territoire et le patrimoine communal comme pour favoriser l’entraide et la solidarité entre les habitants, s’employant à résoudre chaque jour des problèmes locaux.

Les citoyens s’investissent dans leur territoire à condition qu’ils s’y identifient, qu’ils se sentent attachés à une entité qui donne sens, au cœur de leur espace vécu, à leur vie quotidienne. S’ils ne se sentent pas en osmose avec le territoire administratif au sein duquel ils vivent, cela les éloigne d’une implication démocratique dans la vie et dans l’avenir de leur territoire. D’ailleurs, considérons les nombreuses réussites territoriales à travers la France : elles sont à chaque fois le résultat non d’éléments rationnels, objectifs, mais de l’engagement subjectif de citoyens qui ont décidé de « mouiller leur chemise » pour réussir le développement d’un territoire qu’ils aiment et auquel ils sont profondément attachés.

Maintenir le réseau communal de la France, c'est également conserver le maillage spatial qui fait la richesse des civilisations. A l'heure du vieillissement de la population et de la concentration qui semble transformer la France en archipel urbain, refuser le déménagement du territoire est plus que jamais nécessaire. Le grand historien Arnold Toynbee, étudiant les causes du déclin des civilisations, conclut à deux grands risques de perte d'harmonie sociale  : « les schismes horizontaux » et les « schismes verticaux ». Les premiers proviennent de classes mélangées sur le plan géographique mais séparées sur le plan social. Les seconds, les schismes verticaux, proviennent de communautés séparées sur le plan géographique. A contrario, cette analyse montre que la démocratie de proximité est le terreau de l'harmonie sociale.

La France doit donc être fière de ses communes. En leur rendant la considération qu'elles méritent, justifiée par l'histoire et la géographie, elle motivera encore mieux ceux qui savent que l'esprit de l'intercommunalité, la volonté de bâtir ensemble des projets est une nécessité et même un impératif pour mieux répondre aux besoins des populations et au souci de l'avenir.




© Yannick Pirot